Prestation de serment pour devenir avocat en Algérie: Parcours du combattant… et 5 millions cash
Prestation de serment pour devenir avocat en Algérie
Parcours du combattant… et 5 millions cash
Par Samir Ghezlaoui
In Tribune Des Lecteurs du 03/03/2010
Certes, comme c'est le cas pour plusieurs emplois, les candidats doivent répondre à certaines exigences, mais pas au point, osons dire, de limiter ce métier pour une couche sociale bien déterminée. Ainsi, cette profession noble trouve son ancienne vocation dans notre pays, celle de ne permettre qu'aux " bourgeois " de porter la " ravissante " robe noire.
L'étudiant algérien, qui a mis dans son agenda de projet professionnel le métier d'avocat, doit préparer son bagage, car il sera obligé de faire un parcours du combattant, avant de satisfaire son petit rêve d'enfance.Tout d'abord, licencié en droit et sciences juridiques, il doit préparer son CAPA. " Pour avoir mon Certificat d'aptitude à la profession d'avocat j'ai payé 10 000 DA, pour une durée d'études d'une année ", nous déclaré Imad, étudiant de Capa à Ben Aknoun. Notre interlocuteur nous explique, en outre, que le prix à payer pour le certificat d'aptitude varie selon l'université d'accueil. Par exemple à Tizi-Ouzou, dit-il, il faut verser une somme de 3 000 DA.
Juste après le Capa, le candidat avocat doit entamer un stage pratique de 9 mois chez un avocat exerçant. " Pour espérer prêter serment et entamer mon métier d'avocat, je dois passer par d'autres étapes. Le cap le plus dur, à sur-dépasser, est de se procurer une domiciliation chez un avocat, qui doit avoir six ans d'expérience au minimum ", a précisé Imad, apparemment trop agacé par cette démarche. Et oui, il y a de quoi être inquiét pour ce jeune étudiant qui a un seul rêve, celui de porter un jour la robe noire. C'est vraiment compliqué pour lui et pour des centaines de jeunes dans son cas, de trouver un bureau d'avocat pour passer le stage obligatoire d'apprentissage et de perfectionnement. En parallèle avec tout ça, l'avocat stagiaire est obligé de fournir un dossier, exigé par les bâtonnats, avant de prêter serment. Ce dossier démontre le degré atteint par la bureaucratie dans notre pays. En plus des documents traditionnels qu'on a l'habitude de fournir pour ce genre de dossier administratif, on a constaté parmi les pièces, composant le dossier de candidature, des documents qui ne servent à rien, sinon à favoriser certaines catégories. En effet, entre les vingtaines de pièces à fournir, se distinguent deux attestations : Attestation de fils de Chahid et l'attestation de membre ALN ou OCFLN (l'Organisation Civile du FLN). " Ce dossier est excessif. On veut casser notre volonté avec leur bureaucratie. En revanche, le même dossier favorise certains candidats au détriment des autres. Tu peux être un étudiant brillant et avoir un grand potentiel d'avocat, mais si tu n'a pas un soutien important, tu ne peux rien espérer ", a indiqué encore Imad, qui doit achever son Capa cette année. Notre témoin nous dévoile également une confidence faisant état d'aspects douteux, pour réussir à prêter serment. " La bureaucratie et les conditions de la sélection des avocats stagiaires obligent quelques jeunes postulants, à utiliser d'autres méthodes pour se faire accepter, dit-il, soit chercher des connaissances ou même faire appel à la traditionnelle Tchipa ".
Toutes ces conditions et les formalités n'aident pas à développer le métier d'avocat dans notre pays et restent un obstacle majeur pour une vraie réforme de la justice algérienne. Pour rappel, chaque avocat stagiaire s'acquitte obligatoirement d'une somme de 5 millions de centimes pour prêter serment, permettant à l'organisation syndicale des robes noires d'encaisser dans sa trésorerie des milliards de centimes. Récapitulons donc, avant de prêter serment, l'avocat stagiaire doit faire une année de Capa avec paiement de 10 000 DA et à partir de l'année prochaine trois ans d'étude à l'école des avocats, faire un stage de 9 mois, où il est exploité par des avocats chevronnés puisque sont très rares ceux qui paient leurs stagiaires, constituer un dossier administratif " à l'algérienne " et enfin verser 5 briques de centimes pour le syndicat qui va défendre ses droits. Il était temps. L'avocat algérien doit défendre ses droits, avant de penser à défendre ceux des citoyens.